Depuis la loi Pacte, les statuts de toute société peuvent préciser une raison d’être, « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».
Comme l’indique le texte, la stipulation d’une raison d’être dans les statuts est facultative : aucune société n’est tenue d’en être dotée, sauf si elle envisage de faire état de la qualité de « société à mission ».
Les principes qui constituent la raison d’être se distinguent de l’objet social en ce qu’ils ne recouvrent pas la nature de l’activité de la société.
Il s’agit plutôt d’une « ambition » que les associés se proposent de poursuivre dans le cadre de leur entreprise.
Ces principes diffèrent aussi de l’intérêt social, qui implique que les décisions de gestion doivent être utiles ou profitables à la société.
La raison d’être « vise à rapprocher les chefs d’entreprises et les entreprises avec leur environnement de long terme », la société n’étant plus seulement guidée par une « raison d’avoir », mais également par cette raison d’être, « forme de doute existentiel fécond permettant de l’orienter vers une recherche du long terme ».
Il en ressort que la raison d’être est l’affirmation des valeurs que la société entend promouvoir dans l’accomplissement de son objet.
La clause prévoyant la raison d’être peut être formulée de façon synthétique (par exemple, « agir ensemble pour une croissance responsable et un développement durable ») ou être plus détaillée, par l’énoncé de lignes directrices.
La prise en compte d’une raison d’être visant la croissance responsable ou le développement durable n’est pas neutre juridiquement : par exemple, de tels principes sont incompatibles avec la fermeture d’un site industriel pour le délocaliser dans un pays dont les coûts de production sont moindres, la recherche de la seule rentabilité ne constituant alors pas « l’ADN » de la société.
La clause peut être insérée dans les statuts, ce qui oblige alors les associés à l’adopter aux conditions de majorité prévues pour les décisions extraordinaires.
Mais rien n’interdit de stipuler cette clause dans un acte extérieur aux statuts, tel un pacte d’actionnaires, ou de la formuler dans une résolution d’assemblée générale ne modifiant pas les statuts, auquel cas cette résolution peut être adoptée aux conditions de majorité prévues pour les décisions ordinaires.
La méconnaissance par un dirigeant de la clause statutaire sur la raison d’être constituerait une violation des statuts de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la société et des associés.
En revanche, cette responsabilité ne serait pas engagée en cas de prise d’une décision de gestion incompatible avec une raison d’être ne figurant pas dans les statuts.
La raison d’être figure ou non dans les statuts, sa méconnaissance pourrait constituer un juste motif de révocation du dirigeant.
Le manquement à la raison d’être sera d’autant plus difficile à établir que celle-ci se résumera à une déclaration de bonnes intentions formulée en termes incitatifs et de préférence au futur (par exemple : « la société s’efforcera de… » ou encore « l’action de la société tend à… »).
Il faudra éviter les formules de principe contraignantes ou impératives.
De même, la stipulation d’objectifs chiffrés dans la clause sur la raison d’être est déconseillée car elle augmente le risque de mise en cause des dirigeants.
Au contraire, il est recommandé d’assortir la raison d’être de réserves ou d’exceptions pour en atténuer la portée (par exemple : « dans la mesure où l’environnement concurrentiel le permet » ou encore « sauf en cas de dégradation de la situation économique »).